Alerte au Pétrole Franco Saharien

15,00

UGS : NEL-0648 Catégories : ,

Description

AVANT-PROPOS
Le lecteur m’excusera d’ouvrir ce dossier avec des notes personnelles.
Dans un ouvrage précédent, La Nouvelle Course au Pétrole, j’ai donné les noms d’importants journaux qui refusèrent la publicité payante de l’éditeur de mes livres sur le pétrole. Je n’avais pas spécifié que la régie publicitaire d’un de ces quotidiens est assurée par une agence qui distribue en exclusivité le budget de publicité d’une société britannique filiale d’un trust pétrolier. Cela me paraît intéressant à savoir pour le lecteur toujours surpris d’apprendre certaines choses jamais effleurées par leurs organes familiers. Depuis, je pourrais ajouter d’autres noms.
Après tout, charbonnier est maître chez lui. Cet ostracisme — qui ne vaut pas que pour mes ouvrages et touche la plupart des écrivains ne montrant pas les puissances
économiques sous l’aspect de bienfaitrices de l’humanité —est éloquent de l’indépendance et de l’objectivité de l’information et du renseignement de l’opinion. Nous exciperons même de ce silence (qui paie souvent mieux qu’une publicité visible) un aveu de mauvaise conscience.
Il y a mieux.
Quand parut La mort étrange de Conrad Kilian, inventeur du pétrole saharien, l’action fut plus directe. Un service de la police politique ouvrit une enquête — assez discrète pour que j’en fusse immédiatement averti — sur cet auteur qui s’obstinait à s’occuper de sujets interdits au public et réservés à un petit club de privilégiés.
Le directeur d’une revue parisienne à laquelle je collaborais reçut donc la visite d’un fonctionnaire de ce service. Le hasard voulut que cette revue devait me publier un article pétrolier avec le fac simile d’une lettre autographe du général de Gaulle à propos d’un de mes ouvrages sur le pétrole. Le directeur pensa, non sans astuce, qu’une photocopie de cette lettre éclairerait avec précision l’enquêteur. Il lui remit donc cette pièce qui doit toujours figurer dans un dossier mijoté que l’on sortira peut-être un jour (on ne sait jamais !) mais avec ou sans la photocopie suivant le vent politique du moment (1). L’enquête alla assez loin, territorialement parlant ; néanmoins, je n’entendis plus parler de rien.
Quelques mois après, la Fédération nationale des syndicats d’ingénieurs et cadres supérieurs, importante association, me demanda de faire une conférence sur le pétrole à son siège parisien. Je ne connais que des hommes sympathiques parmi ces techniciens avertis de beaucoup de choses parce qu’ils sont en permanent chevauchement sur le capital et le travail et nous tombâmes d’accord sur le sujet et le titre a Le pétrole, panacée et cancer ». Je voulais jouer sur le dernier mot.
Je devais expliquer les dangers du super capitalisme pétrolier. J’avais trop d’analyses à synthétiser, aussi résolus-je d’écrire la conférence et de la lire pour éviter les digressions qui eussent occupé une partie de la nuit. Avec contradiction en fin de séance.
L’annonce de cette conférence produisit quelques remous car le titre, et uniquement lui, fut modifié dans le genre moins agressif. Mais le plus symptomatique eut lieu la veille de la conférence. Le secrétaire de la Fédération reçut un coup de téléphone de la police pour s’informer si le conférencier était bien le même homme que celui qui écrivait des articles pétroliers. Malgré la réponse affirmative. la soirée se déroula normalement.
Bref, j’ai un « dossier » qui est suivi avec soin. A moi de ne pas faire naître l’occasion de me coincer… à propos de n’importe quoi. Décemment, il est un peu difficile de m’attaquer sur les sujets pétroliers ; la manœuvre serait trop visible. Certes, les gouvernants ne sont plus chiches de mesures d’exception, mais la collusion démocratique apparaîtrait trop flagrante. Enfin, on verra bien…
Tout çà ? Pour essayer d’apprendre, à une opinion publique bernée quels sont les pouvoirs réels qui la gouvernent autrement qu’en de vagues allusions ou très fragmentairement ce qui ne gêne personne, au contraire, ces petites flambées sans suite étant considérées comme des soupapes de sécurité.
Le silence le plus pesant sur ces questions vitales, de première importance pour le monde du travail, se situe précisément dans les organes censés, par doctrine, pourfendre un genre de capitalisme que nous ne confondons d’ailleurs pas avec la propriété. Cet autre silence est une autre histoire.
Il n’y a aucun délire dans ces propos plutôt drôles. Ce n’est que l’esquisse d’une ambiance générale qui a des incidences multiples. Par exemple, le cinéaste Maurice Labro avait eu l’idée de me pressentir pour un projet de film ayant le pétrole comme sujet de scénario. Le 25 mai 1959, il mettait fin à nos contacts par une lettre dont je détache : « … J’ai abandonné mon projet car j’ai eu, par un ami du Quai d’Orsay, le tuyau de ne pas toucher à cela sans risquer une censure hypocrite… »
Les trusts pétroliers sont bien gardés. Le citoyen qui ne lit que son journal habituel ne peut pas supposer que de telles manœuvres peuvent exister ! Il croit qu’il est libre depuis que ses ancêtres ont pris la Bastille.
Nous sommes en ploutodémocratie — le mot fut lancé par Louis Latzarus — c’est-à-dire en démocratie dirigée par les puissances d’argent. Tout cède à l’argent et surtout à la puissance acquise par l’argent en notre ère de promotion sociale activée. Mes anodines mésaventures indiquent à quel point les interpénétrations sont actives et
diverses (quand le veau d’or est le roi d’un régime) pour animer certains rouages administratifs qui n’ont rien à voir avec le pétrole… et dont quelques éléments sont d’ailleurs totalement d’accord avec moi.
Ces touches personnelles sont éducatives car elles constituent la preuve qu’avec le pétrole et ses différentes combinaisons nous touchons le point le plus délicat des collusions et des compromissions économico-politiques. Il y a évidemment d’autres compromissions que dans le secteur pétrolier, mais le pétrole domine tout l’ensemble de ces tares démocratiques qu’un électorat volontairement aveugle refuse de regarder en face.
Je suis comme Jean Galtier-Boissière et de très rares autres — pas plus des doigts des deux mains — seule la vérité me captive qu’elle vienne de droite, de gauche, du haut ou du bas. Je n’hésite pas à la prendre où mon cartésianisme la juge la plus limpide. Tant pis si elle gêne qui que ce soit. Gela permet aux sectaires de m’attribuer (gratuitement) les étiquettes, politiques les plus contradictoires, ce qui est assez réjouissant. En réalité, cette vérité, qui n’est le monopole de personne, nul ne veut l’entendre si elle n’épouse pas ses désirs et ses illusions. Combien de gouvernants se doutent-ils que cette vérité (sincère) dénonçant les abus est une garantie pour un régime ? Comme je n’aime pas les tricheurs spéculant sur la crédulité publique, alors je suis le conseil de Péguy de « gueuler la vérité ». Et je continue.
Maintenant, l’idée de fouiller le pétrole et ses coulisses est lancée. On ne l’arrêtera plus, même si je viens à disparaître prématurément. Un jeune spécialiste en la matière, M. Jean-Jacques Berreby (1) m’écrivit : «… Vous avez été et, resterez un précurseur en matière pétrolière. L’opinion, aujourd’hui, est enfin sensibilisée. Les derniers venus, comme moi, travaillent sur du velours. »
Il n’y a pas encore assez d’écrivains réalistes non seulement sur le pétrole, mais sur toutes les matières (or, diamant, acier, cuivre, laine, coton, etc.) brassant de si énormes capitaux que leurs tenants constituent d’autres états dans l’état et gouvernent en fait le pays car ils contrôlent le travail cette hantise des pouvoirs constitués. Par expérience, je sais qu’il faut beaucoup de faits pour intéresser un vaste public ; un long travail d’enquêtes devrait aboutir à des résultats surprenants. « Trop dangereux », m’a répondu un jeune confrère. Je ne le crois pas. Le grand patronat n’a jamais brillé par des qualités de courage et, seuls, quelques polices privées de trusts sont éventuellement à redouter. Pour mener ces tâches, l’écrivain est rarement seul ; il a ses sympathisants comme ceux qui, au moment de la petite tension pour Conrad Kilian, voulaient « mettre en deux » un millier de pompes à essence s’il m’arrivait « quelque chose ». Malgré des dizaines de milliers de titres de livres, certains sujets sont encore vierges d’ouvrages non techniques sur les formes des esclavages modernes.
Je ne suis ni un révolté ni un aigri comme certains tentèrent de le faire croire. Simplement, je n’apprécie pas les personnages qui croient avoir deux estomacs et quatre testicules. Je mène cette lutte pétrolière parce qu’elle est le type même des servages sous forme d’altruisme ; parce qu’elle est la corruption-type des régimes ; parce qu’elle ligote diplomatiquement la France et lui enlève sa véritable indépendance. Peut-être, aussi, pour éviter à une foule de petits épargnants abusés par le profit-miracle les désillusions quand le krach du pétrole se produira avec des gouvernants intègres qui tireront un carburant meilleur que
l’essence de leurs houillères nationales au lieu de les sacrifier au profit des dividendes pétroliers.
La lutte est sévère. Les barrages sont nombreux dans ce pays où trop d’hommes politiques et de grands commis ont la tête — pas le cœur — à gauche et le porte-monnaie à droite. Si je les avais imités, il y a longtemps que je roulerais en Cadillac. Malgré des manœuvres, les éditions se succèdent puisqu’à douze organes près le livre est devenu le seul refuge du journaliste indépendant.
Le résultat final dépend de l’électorat, du choix méticuleux des représentants et des premiers clercs plus maîtres à longue échéance d’une politique que les gouvernants.
Le pétrole est une chose vraiment importante. Je ne pense pas que la France se batte pour conserver son pétrole saharien, dont elle pourrait éventuellement se passer, mais les anglo-saxons sont prêts à déclencher un cataclysme pour leurs sources de pétrole.
Le pétrole vaut donc la peine que l’on s’occupe de lui sérieusement. Même si l’on doit courir des risques.
Puis, entre nous, le côté attrayant de l’existence ce sont peut-être ces risques qui en brisent la monotonie.
P.F.

Extrait du livre :

Informations complémentaires

Auteur(s)

Pierre Fontaine

Editeur

Nouvelles Editions Latines

Date

14/05/05

Collection

n/d

Pages

276

Dimensions

n/d

Dos

Dos Carré Broché

Isbn-Ean

9782723312684

Format

Livre

Autre

n/d

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